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samedi, octobre 08, 2011

Kodak et Yahoo - L'insoutenable concurrence

À bout de souffle, incapables de se renouveler, les deux sociétés, des vedettes en leur temps, sombrent chaque jour un peu plus sans que rien ne semble pouvoir les tirer de leur profonde léthargie La différence d'âge entre les deux sociétés est de 115 ans, mais ça n'a pas d'importance: leurs jours, semble-t-il, sont comptés. Acculées dans une salle où les adversaires sont plus gros, mieux outillés et plus ambitieux, elles vivent un moment crucial de leur existence.

Kodak et Yahoo arrivent à une croisée des chemins qui n'a rien de banal. Alors que la première a été la figure emblématique de la photographie pendant des décennies et que l'autre a défriché les premières terres sur Internet, les voilà unies dans un même rôle gênant, celui de l'acteur incapable de se renouveler.

«Je vois deux parallèles», dit Michael Mulvey, professeur adjoint en marketing à l'École de gestion Telfer de l'Université d'Ottawa. «Les deux ont eu de la difficulté à renouveler leur propre technologie, et les deux, bien qu'innovatrices à une certaine époque, se sont éloignées de ça et ont été doublées par des concurrents dont la technologie était plus performante et mieux mise à profit.»

Yahoo, c'est un peu le cas de Kodak compressé sur une très courte période. Fondé en 1996 par Jerry Yang et David Filo, ce moteur de recherche devenu portail devenu constellation de services en tous genres se cherche depuis plusieurs années un nouvel élan. Une vision globale.

Après que certains actionnaires mécontents eurent intimé à M. Yang de quitter son poste de chef de la direction en 2008, le conseil d'administration a recruté Carol Bartz, une personnalité très forte qui avait dirigé le spécialiste de logiciels graphiques Autodesk avec un succès certain de 1992 à 2006. Or, l'histoire d'amour avec Mme Bartz a été de courte durée.

Après avoir réorganisé la structure de Yahoo, une opération qui s'est soldée par des centaines de mises à pied et un climat de travail empreint de méfiance, elle s'est retrouvée aux commandes d'une société toujours incapable de regagner l'influence perdue dans le monde numérique. Dans le monde de la publicité sur Internet et sur les appareils mobiles, Yahoo n'est pas seule. Outre l'éléphant qu'est Google, qui contrôle plus ou moins la moitié du marché, il y a Microsoft et Apple.

Le 6 septembre dernier, le président du conseil de Yahoo a tout simplement congédié Mme Bartz. Par téléphone. Il n'en fallait pas plus pour que le moulin à rumeurs parle d'une vente ou d'un démantèlement pur et simple.

Le potentiel de Yahoo comme acteur de la publicité en ligne est toujours là, mais le problème est ailleurs, a écrit Shar VanBoskirk, analyste au groupe Forrester, sur son blogue. «Voici son plus grand défi: Yahoo est une société de contenu, un moteur de recherche, un marchand de bases de données, un réseau d'édition, un serveur de publicité, une plateforme de gestion de publicité, mais sans aucune vision générale qui viendrait relier tout ça. [...] Je parie qu'une firme d'investissement va la ramasser pour la vendre en partie.»

Si la diversification trop grande a coulé Yahoo, Kodak, elle, était concentrée sur la photo. Michael Mulvey rappelle même que la compagnie a été la première au monde à concevoir un appareil numérique... en 1975! (http://goo.gl/3FhH2) Mais deux facteurs de taille ont contribué à fragiliser les fondations de son modèle d'affaires, qui tournait autour de la pellicule et du développement de photos.

«Il y a d'abord eu l'assaut des Japonais, dit-il. Puis, il y a eu le numérique.» En effet, les caméras sans pellicule et la possibilité de tout imprimer à la maison — ou de conserver les souvenirs sur un ordinateur — ont tué la vache à lait qui avait fait de Kodak un acteur incontournable de l'industrie américaine au XXe siècle. La compagnie a bien essayé de mettre en marché ses propres imprimantes, mais il y avait aussi des Epson, Canon, etc.

Au cours des dernières années, le chiffre d'affaires d'Eastman Kodak a fondu comme neige au soleil, passant de 10,3 milliards en 2007 à 7,2 milliards en 2010. Les derniers profits remontent à 2007, cela contribuant à vider les coffres: en trois ans, les réserves d'argent comptant sont passées de 3 milliards à 1,6 milliard. Alors que l'action frisait 30 $ il y a quatre ans, la voici autour de 1,40 $.

Solution? Vendre les brevets. Mais pour combien? Et à qui? La même interrogation plane au-dessus de Yahoo. Disons seulement ceci: une vente précipitée déclenchée au dernier moment ne rapporte jamais beaucoup. En 2008, Microsoft avait déposé 45 milliards sur la table pour prendre le contrôle de Yahoo. La réponse du conseil: non merci, on va se débrouiller. Trois ans plus tard, le montant ne sera pas le même.