Le temps des Hypocrites
Mario est un opportuniste récalcitrant. Il aime se faire prier. C’est André Néron qui nous l’apprend dans Le temps des hypocrites, un ouvrage publié récemment chez VLB. Le témoignage de l’ex-organisateur politique de l’ADQ est de première main et le portrait qu’il campe de son ancien chef est celui d’un premier de classe plutôt arrogant et un peu vain qui masque son manque d’expérience et d’assurance derrière une méfiance universelle.
Avant tout, abstentionniste
Néron est un souverainiste convaincu. Il a été l’architecte du ralliement imprévu de l’ADQ au Comité référendaire du OUI et, de mars 1994 à novembre 1995, il a œuvré à infléchir l’orientation des adéquistes vers la souveraineté. Le soir de l’échec référendaire, le naturel est revenu au galop. Après avoir quitté l’atmosphère lugubre du palais des Congrès, Néron se retrouve à sabler le champagne avec la direction de l’ADQ à l’hôtel Delta. «Quelques personnes ont alors commencé à régler les paris qu’elles avaient faits sur le résultat final du référendum, se souvient-il avec une pointe d’amertume. C’est à ce moment-là que j’ai appris que j’avais été l’un des rares à parier sur une victoire du OUI». Mario Dumont n’est ni régionaliste, ni mondialiste, ni souverainiste, ni fédéraliste, ni adéquiste dans la mesure où on pourrait définir ce que c’est, il est d’abord et avant tout abstentionniste. Toute sa pensée politique s’articule autour d’un grand principe qui n’est ni le contrat, ni l’union, ni le bien-être, mais, la paix sociale. Celle qu’on peut résumer en une phrase0 Sacrez-moi la paix! Et pour l’obtenir, un moyen radical0 le moratoire.
Pour un abstentionniste, le geste politique le plus sublime et le plus courageux dans la vie démocratique est de démissionner, de se draper dans sa vertu, de se voiler la face et de se retirer dans ses terres. À cet égard, le comportement de Jean Allaire est exemplaire. Au lendemain du congrès de fondation de l’ADQ qui le porte à la présidence, il annonce son intention de quitter la direction. «Nous avons monté une belle mise en scène en réquisitionnant des fauteuils mous, raconte Néron. Bien écrasé, Jean Allaire avait l’air affaissé et fatigué pour annoncer une sortie des plus réussies qui a permis d’accroître la notoriété du parti». Le mentor de Mario Dumont avait tracé la voie de l’ADQ0 le vrai pouvoir est l’absence de pouvoir donc le refus d’exercer, de participer ou de s’associer au pouvoir. En des temps plus héroïques, les Romains n’hésitaient pas à se retirer définitivement de la vie publique en s’ouvrant les veines dans un bain chaud ou en buvant de la ciguë dans leur villa de banlieue. Mario n’a pas la fibre stoïque et la trempe morale d’un Sénèque. Si on y met les formes, il est toujours prêt à revenir sur ses pas en échange d’un peu d’attention et de visibilité.
Farce ou fraude
Lorsqu’on revisionne la carrière de Mario Dumont à travers les yeux d’André Néron qui en est le principal responsable, force nous est de constater que le Québec a accordé une attention démesurée au chef d’une formation politique somme toute inexistante. En 1995, au moment de signer l’entente avec le PQ et le Bloc, l’ADQ doit tenir un congrès pour ratifier son adhésion au comité du OUI. «Nous pouvions miser sur seulement 20 ou 25 organisations de circonscription, rappelle l’ancien organisateur du parti. Pour être un tant soit peu crédibles, il nous a fallu réunir 200 personnes de toutes les régions du Québec et leur inventer un statut quelconque afin de pouvoir les qualifier de délégués». Si ça n’était pas déjà une farce, cela pourrait être une fraude. Comment expliquer dans les circonstances qu’on puisse accorder à Mario Dumont une place à l’avant-scène du référendum ou des dernières élections? Serait-ce de sa part le fait d’un sens inné de la mise en marché? André Néron ne le confirmerait pas. Son ancien chef s’est toujours révélé égal à lui-même en abordant toutes les situations de la même façon0 à reculons.
Mario Dumont n’a ni l’instinct, ni les réflexes d’un politicien. Il n’aime pas que les événements le bousculent ou que les circonstances lui dictent sa conduite. Sa première réaction est toujours de se retirer sous sa tente et, dans un premier temps, d’envoyer tout promener et de tout refuser en bloc; aussi bien la chefferie de l’ADQ qu’on lui offre que de poser sa candidature dans la circonscription de Rivière-du-Loup, «une ville qui ne l’intéresse pas parce que c’est encore plus petit que le village de Québec». Et ça continue une fois qu’il sera élu à l’Assemblée Nationale où il refusera tout d’abord catégoriquement de participer aux Commissions sur l’avenir du Québec, ensuite de se joindre au Comité du OUI et finalement de faire un campagne référendaire commune avec le PQ et le Bloc.
Rallié chaque fois du bout des lèvres et frustré de l’être Super-Mario se révèle un partenaire capricieux et mesquin qui fait des histoires pour rien. «Il ne voulait absolument pas se retrouver sur le mêmes tribunes que Lucien Bouchard et Jacques Parizeau», relate André Néron, «À force de discussions Mario a fini par se laisser convaincre d’être présent aux rassemblements auxquels les deux autres chefs assisteraient. Mais il refusait de s’adresser à la foule immédiatement après monsieur Parizeau». Le temps des hypocrites d’André Néron a le grand mérite de nous dévoiler un aspect du dernier référendum qu’on ne retrouvera pas dans l’histoire officielle0 l’influence déterminante de la parizeau-phobie de Mario Dumont sur l’évolution de la campagne référendaire et son résultat. On lui doit l’ajout du partenariat que le PQ concède pour accommoder l’ADQ et le Bloc; la création d’un comité de surveillance «parce qu’une majorité de Québécois n’ont pas confiance en monsieur Parizeau qu’il faut surveiller»; et la nomination de Lucien Bouchard comme négociateur en chef. Trois arguments de vente sous pression qui ont amené le OUI à quelques milliers de votes d’une victoire dont le chef de l’ADQ aurait été responsable bien malgré lui.
Le siège de l’indécis
Mario Dumont n’existe pas. Il a été inventé par les circonstances pour incarner une abstention et occuper au parlement le siège de l’indécis. Dans les années soixante, Raymond Lévesque l’imaginait plus modeste et lui avait prêté l’allure d’un Bozo timoré. Appelé pendant l’hymne national, soit à se lever avec les fédéralistes, soit à rester assis avec les indépendantistes, l’indécis d’alors faisait la moitié du chemin en se levant à demi et en posant une fesse sur le bras du siège. Peut-on vraiment parler d’autres temps et d’autres moeurs? «Le jour où Jacques Parizeau a lu la question référendaire à l’Assemblée nationale, tous les députés du Parti québécois se sont levés pour applaudir le premier ministre, tandis que les libéraux sont demeurés bien assis. Mario Dumont, pour sa part, choisit d’applaudir tout en restant sur son siège», note son mémorialiste. On peut sortir un Mario d’un Bozo mais on ne sortira jamais le Bozo d’un Mario!
Libellés : politique
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