La Banque du Canada revient au neutre
Mouton noir
«Le gouverneur Mark Carney n'a pas tellement eu le choix de suivre la parade en montant également sa garde contre l'inflation», a affirmé un des économistes de Valeurs mobilières Banque Laurentienne, Sébastien Lavoie, dans une note de recherche. «Autrement dit, la Banque du Canada aurait eu l'air du mouton noir des banques centrales.»Lors d'une allocution à Boston lundi soir, le président de la Réserve fédérale américaine, Ben Bernanke, a haussé d'un cran son discours contre l'inflation en disant que la récente envolée des prix de l'énergie «ajoute aux risques d'inflation». La semaine dernière, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, a même annoncé qu'une hausse des taux était possible le mois prochain.«La résultante des risques [...] au sujet de l'inflation s'est inscrite légèrement en hausse», a écrit la Banque du Canada hier. «Bien que la composition de la croissance aux États-Unis ne favorise pas la demande de biens et de services canadiens, dans l'ensemble, l'expansion à l'échelle mondiale est plus vigoureuse et les prix des matières premières, beaucoup plus élevés que prévu.»Au premier trimestre 2008, l'économie canadienne s'est repliée de 0,3 % sur une base annualisée, comparativement à une croissance timide de 0,8 % au quatrième trimestre 2007.La banque centrale a reconnu que «le risque que la croissance potentielle soit plus faible qu'escompté persiste». Elle pense cependant que la croissance va reprendre cette année et que le taux directeur actuel est «approprié» dans les circonstances.
Évolution de l'inflation
La Banque du Canada souhaite que l'inflation se maintienne entre 1 % et 3 %. Statistique Canada a indiqué le mois dernier que l'inflation en avril s'est chiffrée à 1,7 % sur une base annualisée. Aux États-Unis et en Europe, l'inflation se situe entre 3,5 % et 4 %.Si l'on exclut certains facteurs volatils comme l'énergie et l'alimentation, l'inflation dite «de référence» au Canada était de 1,4 % en avril. La Banque du Canada craint généralement que ces facteurs volatils n'influencent les secteurs qui sont habituellement à l'abri de poussées inflationnistes. «Si les prix de l'énergie demeurent à leurs niveaux actuels, l'inflation mesurée par l'indice des prix à la consommation global se hissera au-dessus de 3 % plus tard cette année», a poursuivi la Banque du Canada. Toutefois, compte tenu de l'état de l'économie, qui était en recul au premier trimestre, l'inflation «de référence» devrait demeurer sous 2 % pendant au moins un an et demi encore. Aux yeux de certains économistes, toutefois, la Banque du Canada aurait pu donner une autre dose de stimulant à l'économie. «Une autre baisse de taux nous paraissait essentielle», a écrit un des économistes du Mouvement Desjardins, Martin Lefebvre. «Après la contraction de l'activité économique au premier trimestre, rien n'indique que la croissance va rebondir significativement au cours du printemps. Le secteur extérieur canadien reste vulnérable au ralentissement économique américain et à la vitalité du huard.»
«Statu quo» pour les prochains mois
Un des grands dilemmes de la Banque du Canada vient du fonctionnement à deux vitesses de l'économie canadienne. Alors que l'Ouest affiche des taux de croissance forts et une inflation plus élevée, ce qui nécessiterait une hausse du taux directeur, l'Est a tendance à pâtir des faiblesses du secteur manufacturier, ce qui nécessiterait une baisse. Quoi qu'il en soit, le Mouvement Desjardins, comme la Laurentienne et d'autres établissements financiers, croit que la Banque, coincée entre la lutte au ralentissement et la lutte à l'inflation, vient d'entrer dans une «longue période de statu quo». Au Congrès du travail du Canada, dont le dernier commentaire concernant les taux remonte au mois de décembre, on a incité la Banque à reprendre les baisses. «L'économie du pays a besoin du stimulus qu'une réduction du taux aurait fourni, et la Banque a omis de le lui fournir», a dit son président, Ken Georgetti. «Le marché du travail au pays s'est clairement affaibli au cours des deux derniers mois en raison de la forte appréciation du dollar canadien et de ses effets sur les secteurs manufacturier et forestier.»
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