Avis publique Parlons Sports avec Kevin Bissonnette L'Astro-Blog La Météo

vendredi, mars 19, 2010

Financement du PLQ - Le DGE assigne Bellemare à témoigner

Le Directeur général des élections (DGE) veut forcer l'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare à révéler ce qu'il a prétendu savoir sur les pratiques de financement du Parti libéral du Québec. De plus, le DGE fera des vérifications au sujet d'allégations faites par Amir Khadir hier en Chambre sur les liens entre les firmes de génie-conseil et le PLQ.

L'avocat Marc Bellemare, qui a refusé de répondre aux appels du DGE mercredi, sera assigné à témoigner par le DGE aujourd'hui ou dans les prochains jours: «Nous espérons qu'il coopérera avec nous. Si ce n'est pas le cas, le recours que nous aurions serait de s'en remettre à la Cour supérieure qui, elle, pourrait décider ou pas de déclarer un outrage au tribunal», a déclaré Audrey Gagnon, porte-parole du DGE.

L'avocat de Québec et candidat défait à la mairie en 2006 a affirmé aux médias en début de semaine qu'il n'accepterait de faire des révélations que s'il était protégé par l'immunité que confère une commission d'enquête.

Mercredi, Jean Charest, s'était dit surpris des propos de son ancien ministre et a soutenu que ce dernier ne l'avait jamais mis au courant des irrégularités en question. Dans une entrevue au Soleil hier, M. Bellemare a rétorqué que le premier ministre «mentait» et qu'il l'avait effectivement informé.

Au fond, le DGE a pris la décision que Jean Charest avait souhaité provoquer par une motion «sans préavis» en Chambre, en matinée. Elle demandait «formellement au Directeur général des élections du Québec, conformément aux dispositions de l'article 491 — qui lui donne le pouvoir d'enquêter lorsqu'on lui demande — de la Loi électorale, de faire la lumière sur les allégations de M. Marc Bellemare liées au financement des partis politiques provinciaux».

Amir Khadir ayant refusé son consentement à discuter de cette motion, le député de QS en a lui-même déposé une autre réclamant que l'Assemblée nationale demande «formellement» au DGE d'instituer «une enquête sur le financement des partis politiques provinciaux afin de faire la lumière sur les allégations de pratiques douteuses liées au financement des partis [pour] restaurer la confiance du public». Le PQ et l'ADQ l'ont appuyée, mais les libéraux n'ont pas consenti à ce que la motion soit déposée.

En l'absence de motion, les partis d'opposition n'ont pas écarté hier d'assigner M. Bellemare dans un forum parlementaire comme la Commission de l'administration publique, dans laquelle il pourrait peut-être se voir garantir l'immunité qu'il réclame.

Mme Marois ne trouve toutefois pas sans défauts ce scénario: «C'est toujours des mécanismes qui sont boiteux dans un sens parce qu'il y a des choses qu'on ne peut pas faire, il y a des témoins qu'on ne peut pas convoquer, etc.» Par conséquent, elle préférerait une enquête publique sur l'industrie de la construction.

Génie-conseil et possible «trafic d'influence»

Amir Khadir a soutenu hier que «M. Bellemare a certainement, aujourd'hui, beaucoup plus de crédibilité que M. Charest dans ce dossier», étant donné les allégations entre autres dans le monde de la construction, dans les garderies, et les lapsus de trois ministres libéraux qui ont affirmé récemment que les entreprises avaient le droit de financer directement les partis, ce qui est formellement interdit depuis 1977.

M. Khadir a ajouté à ces allégations dans une question qui a créé une onde de choc au Parlement: dans une question, il a soupçonné hier les grandes firmes de génie-conseil de s'adonner au «trafic d'influence» auprès du Parti libéral du Québec. Il a étayé ses allégations sur une analyse, effectuée par le service de recherche de QS, des dons que les principaux dirigeants et employés de firmes actives dans la construction ont faits aux partis au pouvoir depuis 10 ans. QS a ainsi démontré que 37 personnes rattachées à CIMA+ ont versé en 2008 102 650 $ au PLQ; 19 d'Axor, dont une réceptionniste (qui a donné 3000 $) ont versé 56 400 $ au parti de Jean Charest; 31 personnes de BPR ont donné 66 320 $ au parti au pouvoir, alors que 24 de SNC-Lavalin ont donné 66 550 $ au PLQ. Ces firmes, a-t-il souligné, ont obtenu en 2008 «plusieurs dizaines de millions de dollars de contrats [souvent] sans appel d'offres», a-t-il mis en relief. «Sans concurrence, CIMA a obtenu 19 millions», a-t-il illustré.

En 2007, Le Soleil avait révélé qu'une entreprise de génie-conseil, Tecsult, pendant plusieurs années, avait «contourné la loi électorale en garnissant illégalement, à hauteur de plusieurs centaines de milliers de dollars, les coffres du PQ et du PLQ». La Cour d'appel avait rapporté que l'ex-président de la firme Tecsult, Guy Fournier, avait incité de 30 à 40 de ses cadres à donner de 2000 $ à 3000 $ — le maximum fixé par la loi — au PQ et au PLQ. «La compagnie remboursait ensuite ses employés.» Le DGE n'avait appris la «méthode» qu'en 2002, soit après le délai de prescription. Il n'avait pu traîner la compagnie devant les tribunaux. Le ministère du Revenu n'avait pas réussi en 1997 à récupérer les sommes remboursées aux employés qui avaient donné aux partis.

Le Directeur général des élections a annoncé hier en fin de journée qu'en plus de travailler sur les cas Bellemare et ceux des lapsus de ministres libéraux, il porterait une grande attention à l'analyse de M. Khadir. Il entreprendra des «confirmations particulières auprès des donateurs identifiés» dans l'analyse de QS. Les principaux dirigeants de ces firmes seront aussi rencontrés pour «vérifier que les contributions ont été faites selon la Loi électorale, soit à titre personnel, volontairement, sans contrepartie ni compensation et qu'elle n'a pas ou ne fera pas l'objet d'un remboursement».

Enfin, en réponse aux questions de M. Khadir, le ministre Robert Dutil (qui remplace Claude Béchard au portefeuille de la Réforme démocratique) a annoncé qu'il allait proposer la scission du projet de loi 78 sur le financement des partis et la refonte de la carte électorale.