Grand ménage en vue chez les psychothérapeutes
La loi 50 donnera à l'Ordre des psychologues la responsabilité de délivrer les permis
Les gens qui ont recours à des services de psychothérapie traversent des moments de fragilité qui sont pourtant incompatibles avec le laisser-faire qui a cours présentement, croit Mme Charest. Si jamais la thérapie tourne mal, ces gens n'ont en effet aucun moyen de faire valoir leurs droits. «Je suis devenue présidente de l'ordre il y a neuf ans justement pour régler ce dossier-là. Je trouvais parfaitement effrayant que, dans un domaine aussi sensible que la santé mentale, n'importe qui puisse s'improviser spécialiste.» Beaucoup des psychothérapeutes visés par cette loi sont les premiers ravis de pouvoir compter sur des balises plus solides. En 1991, un groupe de psychologues et de psychothérapeutes avait même fondé la Société québécoise des psychothérapeutes professionnels (SQPP). Ceux-ci s'étaient alors dotés d'un Code de déontologie clair et de règlements rigoureux destinés à mettre un peu d'ordre dans ce milieu mal balisé. Mais les pouvoirs de la société sont restés limités, et la loi 50 vient en quelque sorte donner un peu de chair à une lutte vieille de plus de 15 ans, soit la protection du public.
Ce projet de loi vient aussi mettre fin à une vieille opposition avec les psychologues et les médecins, qui était à la source de grandes frustrations. «Pendant des années, nous avons eu l'impression d'aller à contre-courant. Aujourd'hui, nous sommes fatigués d'avoir à constamment défendre notre place entre les psychologues et les charlatans», raconte le président de la SQPP, Michel Brais. En tout, sa société compte 80 % de psychothérapeutes dits compétents mais non admissibles à un ordre (PCNA). L'examen du projet de loi 50 qui reprend demain viendra en quelque sorte normaliser leur pratique. Mais ne sera pas admissible qui veut. Les PCNA devront montrer patte blanche et prouver leurs compétences. L'OPQ délivrera les permis et assurera la surveillance professionnelle de tous ces nouveaux membres. La SQPP ne voit aucun problème à devoir se soumettre aux règles de l'OPQ.
Mais, attention, il ne faudrait toutefois pas y voir une tutelle, prévient M. Brais. «Il s'agit d'un mandat beaucoup plus large qui prendra son sens à travers une structure partagée avec le Conseil consultatif interdisciplinaire et l'Office des professions.» La SCPP estime d'ailleurs que ses membres de même que ceux de la Société canadienne de psychanalyse et de l'Association des psychothérapeutes psychanalytiques du Québec devront jouir d'un droit acquis qui les rendra admissibles d'office à l'obtention d'un permis. Le ministre de la Justice, Jacques Dupuis, s'est montré ouvert à cette idée. «Le règlement sera écrit de telle sorte que cette volonté-là [...] soit respectée», a-t-il laissé entendre jeudi.
Un acte réservé et partagé
Concrètement, la loi 50 propose de partager le titre de psychothérapeute avec plusieurs autres professionnels: les travailleurs sociaux, les conseillers d'orientation, les psychoéducateurs, les infirmières et les ergothérapeutes qui auront les compétences nécessaires pour faire ce travail délicat. Les psychologues et les médecins pourront bien entendu continuer à pratiquer cet art, mais sans être obligés d'utiliser le titre de psychothérapeute pour autant. Le projet précise de surcroît que ce titre sera réservé de même que toutes les activités qui y sont reliées. Ainsi, il ne sera plus possible pour un psychothérapeute dont la compétence est remise en doute de continuer ses activités sous le couvert d'un autre titre, comme thérapeute en progression par exemple. Il faut donc s'attendre à ce que de nombreux prétendants au titre de psychothérapeute se voient forcés de changer leur carte professionnelle -- et leurs pratiques par la même occasion.
Leur nombre est toutefois difficile à évaluer. En 1992, l'Office des professions avait mené une enquête dans le but de recenser les gens qui se présentent comme des psychothérapeutes sans faire partie d'un ordre professionnel. «À l'époque, on avait avancé le chiffre de 4000 personnes, mais cela nous a toujours paru énorme. Je pense que pas plus de 400 à 500 vont réussir à faire reconnaître leurs compétences au bout du compte», estime Michel Brais. La semaine dernière, certains intervenants se sont inquiétés de voir ainsi disparaître des ressources imparfaites, certes, mais essentielles en ces temps de pénurie. Chaque fois, le ministre Dupuis a balayé leurs craintes du revers de la main. Loin de faire disparaître des ressources, la loi 50 vient élargir l'offre de services en permettant à de nouvelles catégories de professionnels qualifiés de pratiquer la psychothérapie. Et «il y aura des dispositions transitoires qui permettront qu'on évite cet écueil de la rupture de services», a-t-il promis. La transition promet toutefois d'être longue. Pour l'instant, le ministre envisage une période de rodage de six ans, ce qui paraît beaucoup trop long à de nombreux intervenants. Le Collège des médecins recommande plutôt une période de trois ans, qui, à son sens, suffira largement à tout mettre en place.
Libellés : Psychologie, Québec
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