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mercredi, juillet 06, 2005

Réaction de Biz sur la St-Jean Baptiste.

La St-Jean du Peuple

Que de fiel craché sur la St-Jean au Parc des Îles. On savait que l’initiative dérangerait (au Québec on ne remue pas une tradition sans s’attirer une volée de bois vert) mais à ce point… Tout a été dit : méchants artistes capitalistes qui font le jeu de Jean Charest, c’était donc mieux dans le bon vieux gai temps, la jeunesse ne comprend rien au dangereux précédent d’une St-Jean payante, etc. Pourquoi donc ajouter ma goutte d’eau dans l’océan du débat ? Parce qu’il me semble que cette polémique repose sur des prémisses erronées et fallacieuses.

Une précision cependant. Moi aussi ça m’emmerde de faire payer les Québécois le jour de leur fête. Moi aussi j’aurais voulu que ça soit gratuit. Tous les acteurs de la St-Jean du Parc des Îles souhaitent que la St-Jean soit gratuite. Nous travaillons déjà à ce que ce soit le cas pour l’année prochaine. Nous ne voulons pas instaurer une tradition de St-Jean payante. Cette année, nous avons mis du sable dans l’engrenage dans le but de faire grincer une machine qui tournait à vide depuis 20 ans sans se poser de question.

À mon avis, les détracteurs de notre initiative ont pris le problème par le mauvais bout. Ils ont perçu l’événement comme une division alors qu’il s’agissait d’une multiplication. Ils ont déclaré que nous faisions le jeu de Charest alors que notre idée était précisément la meilleure façon de l’affaiblir. Ils ont clamé que les artistes de gauche s’alliaient à des partenaires privés pour fêter une nation, alors que le véritable PPP avait lieu au Parc Maisonneuve. Justement parce que nous avons demandé une contribution aux spectateurs, l’espace festif était totalement exempt de logos commerciaux et de commandites.

Reprenons l’histoire depuis le début. Au mois de mars (trois mois avant la fête), aucun des artistes conviés au Parc des Îles n’est encore invité pour la St-Jean officielle. On commence à s’inquiéter. Posons l’hypothèse suivante : en tant normal, la SSJB (chargée d’organiser la St-Jean) est un organisme frileux par rapport au contenu politique de l’événement. Après deux ans de coupes sévères par un gouvernement libéral (qui n’a certainement pas le goût d’entendre Libérez-nous des libéraux reprise par 200 000 personnes), la SSJB est carrément en hypothermie.

Disons-le tout de suite : si Mononc’ Serge, les Zapartistes, les Cowboys Fringants et Loco Locass avaient été invités à Maisonneuve, le spectacle au Parc des Îles n’aurait pas eu lieu. Il faut donc demander des comptes à la SSJB. Je ne sais pas si les Cowboys auraient fini par être invités. En ce qui concerne Loco Locass, je suis pratiquement certain qu’aucun organisateur ne voulait nous entendre entonner la chanson maudite.

Bref, on commence à se demander ce qu’on va faire le 24 juin. C’est alors que les Cowboys nous convient à leur grand’ messe. Comment refuser un vrai trip artistique, patriotique et politique ? Malheureusement, à trois mois d’avis, et compte tenu du gouvernement en place, il est impossible de demander des subventions. Nous sommes face à un choix déchirant : ne rien faire et se taire ou recourir au financement populaire.

Certains puristes arguent qu’on aurait pu se rabattre sur les fêtes de quartier, événements populaires, gratuits et exempts de commandites. Quand il s’agit de promouvoir des idées politiques, 200 personnes dans le Mile-End c’est bien, mais 25 000 qui proviennent de tout le Québec, c’est mieux. La fête de quartier c’est cool mais comment s’assurer qu’il n’y ait aucune cannette de Pepsi sur le site ? Que les saucisses des roteux proviennent de cochons non brutalisés ? Cette belle gauche qui critique tout le temps tout, elle finit par jouer le jeu de la droite en sapant des initiatives pas parfaites mais louables. Une député socialiste espagnole a dit récemment : la gauche veut tout et n’obtient rien.

Nous, ce que nous voulons, c’est l’écroulement du gouvernement Charest et l’indépendance du Québec. Ce n’est pas en criant dans les ruelles que nous allons y parvenir mais en exposant nos idées à un maximum de Québécois. Nous ne sommes pas pour autant des requins vire capot qui réalisent les PPP que nous dénonçons. Où était la partie publique de notre soit disant partenariat ? La réalité, c’est que le gouvernement libéral tient la SSJB par les couilles et avait tout intérêt à ce que Maisonneuve soit une petite soirée pépère au coin du feu.

Notre St-Jean était un mouvement de résistance face au pouvoir en place, une initiative citoyenne, financée par les citoyens. De ce point de vue, c’était la véritable St-Jean du peuple. Ça fait peut-être rire Jean-Charest de voir une St-Jean privatisée. Mais ce qui le fait certainement marrer encore plus, c’est l’acharnement de la gauche à dénigrer notre tentative de repolitiser la St-Jean. Toutes ces lettres ouvertes à La Presse ont eu au moins le mérite d’économiser un éditorial à André Pratte. Mais là où ça devenait moins drôle pour nos adversaires, c’est quand 25 000 Québécois ont scandé à l’unisson Libérez-nous des libéraux.

Et voilà comment on s’est retrouvé à faire payer 40$ pour un feu roulant de 10 heures de spectacles et de réflexions politiques, dans un environnement où la seule publicité était celle d’organismes sociaux et environnementaux, où la bière n’était pas plus chère qu’à Maisonneuve et où l’eau était disponible gratuitement.

Au lieu de moraliser la jeunesse qui n’a pas connu les fameux rassemblements de la montagne où tout le monde se vautrait tout nu dans le lac des Castors rempli de pisse, certains baby-boomers auraient tout avantage à admirer son désir de se réapproprier le politique, en dépit de l’exemple pitoyable que lui offrent les politiciens d’une autre génération.

À la prochaine fois
Biz

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